titre : Danser comme personne ne regardait (2018)
conception : Jérôme Bel
avec (en alternance) : Eva Aubigny, Marcella Cappelletti, Noëllie Conjeaud, Paul Vezin
son : 432 Hz
scénographie conçue et réalisée avec les étudiantes du Master Design Exposition de l’ENSBA de Lyon, sous la direction de Olivier Vadrot : Laura Azaïs, Mina Chu, Élise Coulmy, Rita Doligez, Lou Duchemin-Lenquette, Mathilde Lebrun, Océane Lutzius, Romane Perelle, Alice Rambeaux, Zhuwei Zheng.
designer des Cales humaines : Olivier Peyricot
réalisation des Cales Humaines : Nathalie Vidal et Jean-François Dulck-Conventi
production : Biennale de la Danse de Lyon, R.B. Jérôme Bel
remerciements : Centro Luigi Pecci (Prato)
R.B. Jérôme Bel reçoit le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles d'Île-de-France - Ministère de la Culture, de l'Institut Français - Ministère des Affaires Etrangères - pour ses tournées à l’étranger et de l'ONDA - Office National de Diffusion Artistique - pour ses tournées en France
R.B. Jérôme Bel :
conseil artistique et direction exécutive : Rebecca Lee
administration : Sandro Grando
site internet : www.jeromebel.fr
De la pratique du yoga à la « Conférence sur le rien » de John Cage, en passant par l’art minimaliste, Jérôme Bel s’est intéressé à différents objets culturels qui en appellent à une attitude esthétique contemplative. Pensée d’après une vision laïque de la spiritualité, cette expérience est ici proposée comme un moyen de compenser le défaut de territoires vides et silencieux dans les sociétés industrielles occidentales. Il rejoint à cet égard la position de Nietzsche, dans le paragraphe 280 du Gai Savoir, qui s’alarme que la vita contemplativa ne se soit pas substituée à la vita religiosa et que les villes modernes n’aménagent pas davantage de lieux de recueillement. Plein moyen de remédier à cette absence, l’installation chorégraphique qu’il propose ouvre un espace de méditation, propice au recueillement ou à la réflexion, en totale rupture avec l’agitation de la vie urbaine.
L’exécution d’une danse très lente offre le spectacle d’un corps introspectif, dégagé du regard de l’autre, qui s’offre à la vue sans manifester de volonté d’adresse. Se soustraire au regard d’autrui et aux mécanismes de la reconnaissance émancipe le corps de l’interprète, au moins symboliquement, d’une double instrumentalisation : celle par laquelle il est réduit au rang d’objet au service d’une chorégraphie, celle par laquelle le regard spectateur l’instrumentalise pour son propre plaisir. La réduction a minima du mouvement offre également une nouvelle image de la danse ramenée à son degré zéro. Autoréférentielle, la chorégraphie n’affiche d’autre but qu’elle-même, elle ne semble rien incarner d’autre que l’image d’une pure métamorphose étirée dans le temps.
La sobriété de la danse tranche avec la couleur stridente de la moquette au sol, marqueur esthétique de Jérôme Bel dans ses installations et pied-de-nez assumé au divertissement. Pensée au sol pour mieux déloger le·la spectateur.rice de son assise, la scénographie lui offre de cette façon davantage d’autonomie. Cette·ce dernier·ière est ici convié·e à profiter d’une mobilité inhabituelle pour décider de son propre positionnement, là où le dispositif théâtral traditionnel l’assigne avec autorité à une place assise. A sa charge, s’il·elle le souhaite, d’exécuter sa propre danse lente, comme soustrait·e au regard des autres.
Florian Gaité