Que donner à voir aujourd’hui lorsqu’on est un jeune créateur et que l’on a soi-même participé à l’histoire de la danse française dans la dernière décennie ?
Jérôme Bel ose la radicalité, la mise en scène du non spectaculaire, d’un « art du peu » qui n’interdit pourtant pas la poésie. De prime abord, le titre Jérôme Bel peut faire craindre la provocation due à un narcissisme exacerbé. L’auteur a simplement décidé de ne pas se cacher derrière une quelconque métaphore et Jérôme Bel de Jérôme Bel est le résultat d’une personnalité qui impose la totale singularité de son style. Si l’objet semble centré autour de son maître, les actions sont pourtant l’œuvre intime des interprètes qui vont jusqu’à explorer les ressources de leur joyeuse nudité.
La nudité est le domaine privilégié des nostalgiques de l’originel Eden qui subliment la beauté naturelle, à moins qu’elle ne soit exploitée dans le sens du grotesque et de la monstruosité. Jérôme Bel évite ces écueils : le corps forme l’être et vice-versa. À cette fin, il ne masque ni les qualités, ni les défauts des morphologies, d’autant que ce spectacle a à voir avec l’art de l’énumération. En introduction, les interprètes déclinent leur identité en marquant leurs dimensions à la craie sur le mur noir du théâtre. Ils plaquent ainsi les données de leur anatomie et poussent l’énonciation jusqu’à donner également leurs numéros de téléphone et l’état de leurs comptes en banque.
Comme dans les œuvres plastiques d’Annette Messager, les interprètes citent les traces de leur propre histoire sur les corps pour ensuite les triturer en de multiples métamorphoses qui font figure de digressions. Le manque d’utopie ramène à considérer ses propres attributs. Le corps n’est pas exhibé pour inspirer le rejet ou la projection mais proposé comme appartenant d’emblée à son sujet. Les interprètes évitent d’ailleurs tout cabotinage.
Jérôme Bel de Jérôme Bel, peut être vu comme une réponse au contexte actuel. À l’inflation des effets scénographiques, le chorégraphe oppose une économie de moyens portée à son extrême : ni décor (le théâtre est entièrement dépouillé), ni costumes (les corps sont nus), pas de régie lumière (l’éclairagiste est présente sur scène et souligne les actions en baladant une simple ampoule). Pour la musique, une chanteuse marmonne Le Sacre du printemps de Stravinsky. Lorsqu’il s’agit d’effacer les inscriptions au mur, les danseurs utilisent leur propre substance comme liquide libérateur.
Acte politique et délicat de Jérôme Bel qui souligne la fin d’une époque à moins qu’il ne s’agisse pour lui de tirer un trait avant de rentrer dans la cour des créateurs. Tout comme le Carré blanc sur fond blanc de Malevitch en 1918 où le cadre du tableau marque la limite concrète de l’œuvre et matérialise le pouvoir illimité du blanc, cette pièce annonce le point limite d’un art en faisant l’économie de toute ornementation. Ce spectacle s’inscrit pourtant fort bien dans l’espace scénique et ne s’apparente pas à un brouillon, à la brute expérimentation de la performance. Les gestes font rayonner le plateau d’ombres sublimes. Cette forme radicale qui peut être perçue comme un acte esthétique en même temps que politique, ne se complaît pas dans la négation.
À la question : que peut créer Jérôme Bel après Jérôme Bel, le chorégraphe répond que son imaginaire n’est pas en reste. Assurément, ce spectacle aura du mal à s’inscrire dans le réseau de la diffusion traditionnelle des œuvres chorégraphiques car, du produit, il n’en a pas l’emballage. L’authenticité de son discours est pourtant à même de concerner un public qui oublie rapidement d’être choqué par la radicalité des propositions.
Jérôme Bel ose la radicalité, la mise en scène du non spectaculaire, d’un « art du peu » qui n’interdit pourtant pas la poésie. De prime abord, le titre Jérôme Bel peut faire craindre la provocation due à un narcissisme exacerbé. L’auteur a simplement décidé de ne pas se cacher derrière une quelconque métaphore et Jérôme Bel de Jérôme Bel est le résultat d’une personnalité qui impose la totale singularité de son style. Si l’objet semble centré autour de son maître, les actions sont pourtant l’œuvre intime des interprètes qui vont jusqu’à explorer les ressources de leur joyeuse nudité.
La nudité est le domaine privilégié des nostalgiques de l’originel Eden qui subliment la beauté naturelle, à moins qu’elle ne soit exploitée dans le sens du grotesque et de la monstruosité. Jérôme Bel évite ces écueils : le corps forme l’être et vice-versa. À cette fin, il ne masque ni les qualités, ni les défauts des morphologies, d’autant que ce spectacle a à voir avec l’art de l’énumération. En introduction, les interprètes déclinent leur identité en marquant leurs dimensions à la craie sur le mur noir du théâtre. Ils plaquent ainsi les données de leur anatomie et poussent l’énonciation jusqu’à donner également leurs numéros de téléphone et l’état de leurs comptes en banque.
Comme dans les œuvres plastiques d’Annette Messager, les interprètes citent les traces de leur propre histoire sur les corps pour ensuite les triturer en de multiples métamorphoses qui font figure de digressions. Le manque d’utopie ramène à considérer ses propres attributs. Le corps n’est pas exhibé pour inspirer le rejet ou la projection mais proposé comme appartenant d’emblée à son sujet. Les interprètes évitent d’ailleurs tout cabotinage.
Jérôme Bel de Jérôme Bel, peut être vu comme une réponse au contexte actuel. À l’inflation des effets scénographiques, le chorégraphe oppose une économie de moyens portée à son extrême : ni décor (le théâtre est entièrement dépouillé), ni costumes (les corps sont nus), pas de régie lumière (l’éclairagiste est présente sur scène et souligne les actions en baladant une simple ampoule). Pour la musique, une chanteuse marmonne Le Sacre du printemps de Stravinsky. Lorsqu’il s’agit d’effacer les inscriptions au mur, les danseurs utilisent leur propre substance comme liquide libérateur.
Acte politique et délicat de Jérôme Bel qui souligne la fin d’une époque à moins qu’il ne s’agisse pour lui de tirer un trait avant de rentrer dans la cour des créateurs. Tout comme le Carré blanc sur fond blanc de Malevitch en 1918 où le cadre du tableau marque la limite concrète de l’œuvre et matérialise le pouvoir illimité du blanc, cette pièce annonce le point limite d’un art en faisant l’économie de toute ornementation. Ce spectacle s’inscrit pourtant fort bien dans l’espace scénique et ne s’apparente pas à un brouillon, à la brute expérimentation de la performance. Les gestes font rayonner le plateau d’ombres sublimes. Cette forme radicale qui peut être perçue comme un acte esthétique en même temps que politique, ne se complaît pas dans la négation.
À la question : que peut créer Jérôme Bel après Jérôme Bel, le chorégraphe répond que son imaginaire n’est pas en reste. Assurément, ce spectacle aura du mal à s’inscrire dans le réseau de la diffusion traditionnelle des œuvres chorégraphiques car, du produit, il n’en a pas l’emballage. L’authenticité de son discours est pourtant à même de concerner un public qui oublie rapidement d’être choqué par la radicalité des propositions.