Le matériau de Shirtologie (1997) est le tee-shirt. C'est une petite pièce totalement stupide où le danseur Frédéric Seguette enlève un à un les 50 tee-shirts qu'il porte. Pendant 3 mois j'ai dû acheter des centaines de tee-shirts immondes, je les ai ensuite classés afin que leur ordre crée une dramaturgie que le spectateur découvre au fur et à mesure, c'est un interminable strip-tease pas du tout érotique.

L'intérêt de cette pièce réside dans le fait qu'elle s'approprie l'idéologie dominante que les tee-shirts généralement prônent afin de produire un discours subjectif. Plutôt que de s'opposer à la force capitaliste, cette pièce absorbe son énergie et la transforme en une réflexion sur l'aliénation, la faiblesse et finalement la révélation de la puissance infinie de cette même faiblesse.

La pièce a eu une réception variée et contrastée . Je me souviens d'un article dans la presse munichoise intitulé « Shitologie… »... A Beyrouth un couple outré hurlait que cette pièce était un pur gâchis, mais le pire fût en Australie où Frédéric Seguette continuat à enlever vaillamment ses malheureux tee-shirts tout en essayant d’éviter les canettes de bière que le public, ulcéré par la pièce, lui envoyait sur scène. Et puis il y a eu des spectateurs qui m'offraient leur propres tee-shirts, n'hésitant pas à se déshabiller sur les marches mêmes du théâtre, après le spectacle. Ou les techniciens d'un théâtre à Madrid qui m'ont offert le tee-shirt de leur équipe de foot. Mais mon préféré est celui que m'a offert Maurizio Cattelan à Vienne : rouge avec écrit dessus "audience".