RB JEROME BEL
spectacles > the show must go on > presse > 03.2005 - the new york times

Un critique en a frappé un autre lors de la première du spectacle « The Show Must Go On » de Jérôme Bel à Paris. Les spectateurs ont hué, envahi la scène et exigé d'être remboursés. En revanche, le spectacle a été accueilli par de grands éclats de rire et des gloussements jeudi soir au Dance Theater Workshop, où la compagnie de M. Bel faisait ses débuts aux Etats-Unis.

M. Bel est peut-être considéré comme un expérimentaliste en France, où il s'est produit avec Angelin Preljocaj et d'autres avant de passer à la chorégraphie il y a environ dix ans. Même si lui et ses danseurs sont arrivés ici en semblant traîner derrière eux un bagage artistique prétentieux, « The Show Must Go On » est un spectacle malin, plein d'esprit et joyeux.

M. Bel semble essayer de réinventer en Europe le mouvement du Judson Dance Theater des années 1960 et 1970, dont il connaît apparemment très peu de choses si l'on en juge par ses récentes interviews données à New York. Les Judsonites ont proclamé la mort de la virtuosité et de l'artifice dans la danse, les balayant avec une vague de tâches quotidiennes exécutées par des danseurs non formés en tenues de travail ou complètement nus. Les 18 interprètes de « Show » comprenant les sœurs, les partenaires et les amis de M. Bel, portent des vêtements de tous les jours, et la plupart de ce qu'ils font dans le spectacle ne nécessite pas plus de quelques leçons dans n'importe quelle technique de danse. Cependant, tout comme leur chorégraphe, ils sont là pour nous charmer, en dépit de leur apparence débraillée.

M. Bel adore faire des petites blagues, comme par exemple inonder les spectateurs d'une lumière rose pour « La Vie en Rose » et plonger le théâtre dans l'obscurité pour « Imagine ». Le D.J. somnolant, assis derrière une console discrète sur scène, s'attribue un solo au son de Tina Turner chantant « Private Dancer ». A un autre moment, les membres de la troupe chantent dans une cacophonie amusante des paroles de chansons qu'ils sont les seuls à entendre sur leurs baladeur CD. On assiste à une danse en groupe hilarante de la Macarena, et la chorégraphie d'une danse en groupe sur la chanson « My Heart Will Go On » de Céline Dion, tirée de « Titanic », inclut avec malice des pas de danse kitchs et une image connue du film. M. Bel, qui a commencé à étudier la chorégraphie en lisant des livres sur la danse, la performance et la sémiotique, dispose ses danseurs sur scène avec compétence. Il possède un sens aigu du théâtre. Les moments de tendresse, tels que les promenades et les étreintes au son de « Into My Arms » de Nick Cave, suggèrent qu'il est également un humaniste vieux jeu attachant.

D'ici la fin du spectacle, chacun des interprètes possédant tous une personnalité propre devient une sorte d'ami familier. Mais « The Show Must Go On », dont le titre est tiré d'une chanson de Queen, n'atteint que par moment ses objectifs ambitieux.

La plupart du temps, l'impression donnée est celle d'une version dansée d'un chant en chœurs. Mais à un moment donné, les interprètes dont certains sourient et d'autres sont impassibles, fixent un long moment les spectateurs assis d'abord dans l'obscurité, puis inondés par l'éclairage et complètement visibles. La barrière entre la scène et le public tombe. Il ne reste plus qu'une connexion semblable à un rayon laser entre les yeux des interprètes et des spectateurs.

Jennifer Dunning 26.03.2005