Chacune des six pièces que Jérôme Bel a chorégraphiées depuis 1994 est un petit chef d’œuvre. C’est tout à son honneur de dire que ses pièces sont plus riches et plus populaires avec le temps. Le fait que ses chorégraphies, qu’il couche littéralement sur le papier, ont plus à voir avec la danse qu’avec l’acte de danser, ne change rien. Beaucoup dansent seulement. Mais peu posent des questions aussi à-propos et importantes sur la danse. Jérôme Bel redéfinit constamment la relation entre danseur et spectateur, entre auteur et récepteur. La vive provocation que les publics de Hamburg et de Paris ont ressentie avec sa dernière chorégraphie The show must go on est la meilleure preuve qu’il a touché un point sensible. Les pièces de Bel, dans lesquelles la dimension sociale de la danse occupe la position centrale, trouvent des images aussi simples que fortes pour aborder des thèmes aussi complexes que la relation entre corps et langage. Et nonobstant leur forme conceptuelle très appréciée, elles sont toujours suffisamment malicieuses pour ne pas se prendre elles-mêmes au sérieux. Si on cherchait une tentative de créer une forme contemporaine de danse-théâtre après Pina Bausch, Jérôme Bel serait notre homme. Ses pièces, dans lesquelles les pensées prennent littéralement corps, aboutissent en droite ligne à une grande sensualité à laquelle on ne peut qu’être sensible.

Gerald Siegmund 15.11.2000