RB JEROME BEL
spectacles > nom donné par l'auteur > presse > 06.2005 - ballet dance magazine

Casting : deux hommes, un aspirateur, un sèche-cheveux (tous deux dotés d'un long cordon relié à une prise en coulisses), un paquet de sel, un petit tapis à motifs, un grand dictionnaire de français (Le Robert), une lampe-torche, un tabouret, un ballon d'enfant en plastique, une veille paire de patins à glace, quatre lettres majuscules – N, S, O, E – découpées dans du polystyrène blanc et représentant les quatre points cardinaux de la boussole.

Définition : une série de tableaux associant plusieurs des éléments ci-dessus. Au départ, les deux hommes associent deux éléments, par exemple (1) : du sel versé sur un billet de banque, (2) un aspirateur aspirant l'air expulsé par un sèche-cheveux (les deux appareils sont en marche). Ensuite, après avoir fait pivoter le tapis et les points cardinaux, ils créent des combinaisons de plus en plus complexes et bizarres et d'une sophistication conceptuelle ironique, par exemple (3) : le tabouret, l'homme 1 et le ballon alignés. L'homme 2 renverse le tabouret, donne un grand coup de pied à l'homme 1 dans ####, lance le ballon dans le rideau noir au fond de la scène.

Qualité caractéristique : manipulation économe des objets entre chaque tableaux suivie d'un moment d'immobilité, afin que l'audience apprécie l'impact visuel et réfléchisse aux implications conceptuelles ou anticipe les actions à venir (comme dans l'exemple 3).

Raisonnement : exploration exhaustive des combinaisons d'objets possibles et de leurs propriétés – des personnes traitées comme des matériaux, des objets inanimés présentés de manière chorégraphique dans le temps et l'espace, exploitant les qualités d'« alignement ».

Remarque 1 : tension entre la progression logique de cette exploration et les significations irrationnelles générées par les combinaisons. Exemple (4) : Un homme s'assoit sur le tapis, ferme le dictionnaire en marquant la page avec un bord du tapis, puis replie l'autre bord du tapis pour s'enrouler dedans comme un sans abri.

Remarque 2 : tension également entre l'attitude pince-sans-rire neutre des interprètes tout au long de la représentation et les associations ironiques créées dans certains tableaux. Exemple (5) : un homme dirige l'aspirateur (en marche) sur le dictionnaire ouvert, à droite de la scène, pendant qu'au même niveau, à gauche, un autre homme dirige le sèche-cheveux en marche dans sa bouche tout en récitant de manière hésitante, mot à mot, comme de manière involontaire, la définition du mot « Air ».

Discussion : confusion psychologique entre différents niveaux de réalité – dans l'exemple 5, les propriétés physiques de l'air et les propriétés conceptuelles de la définition du mot « air ».

Exemple (6) : lampe torche éclairant le tabouret posé sur un tapis ; ombre du tabouret sur le tapis dessinée avec du sel, formant ainsi une ombre blanche. Ensuite, lorsqu'on débarrasse la scène et que l'on met en place le tableau suivant, on soulève le tapis pour afficher l'« ombre » blanche qui s'« estompe » au fur et à mesure que le sel tombe du tapis sur le lino ; on secoue le tapis d'un coup sec afin d'éliminer des dernières traces d'« ombre ».

Discussion : même confusion psychologique que précédemment, mais cette fois-ci dans l'esprit des spectateurs plutôt que dans celui des interprètes. Impact puissant sur la notion de perte.

Histoire et contexte : présentée pour la première fois en 1994, « Nom donné par l'auteur » est l'une des premières créations de Bel figurant toujours dans le répertoire. Au fil des années, la quasi-totalité de l'œuvre de Bel a été présentée à Nottdance, cette œuvre étant la dernière programmée à Nottdance par Jane Greenfield, qui a le plus contribué à promouvoir le travail de Bel au Royaume-Uni. Lors d'une discussion après le spectacle, Bel a indiqué qu'il le présentait uniquement ici aujourd'hui car le public de Nottingham connaissait ses autres créations. En tant que l'une de ses premières créations, « Nom donné par l'auteur » semble énumérer une série de préoccupations et d'inventions dans l'œuvre de Bel. Comme avec de nombreuses premières créations en général, chaque aspect de « Nom donné par l'auteur » est si contrôlé et soigneusement construit que l'interprète a peu d'opportunités d'interprétation. Il n'est pas vraiment possible de prendre des risques consistant à manipuler la relation entre la présence de l'interprète et les attentes du public, contrairement aux créations plus récentes de Bel.

Dérivation du titre : « Nom donné par l'auteur » correspond à la définition du mot titre dans Le Robert.

 

Ramsay Burt 01.06.2005