RB JEROME BEL
spectacles > the show must go on > presse > 10.2000 - hamburger abendblatt

Jamais public de première n’a été aussi actif que pour « The show must go on ! » de Jérôme Bel. Rires, applaudissements, chansons reprises en chœur. Et tout un tas de commentaires : depuis l’enthousiasme jusqu’aux grossièretés les plus raides. Le chorégraphe français connu pour ses mises en scène provocatrices ne s’est pas trompé dans ses calculs. Ce ne sont pas les acteurs qui ont fait, comme à l’ordinaire, les guignols pour le public. Cette fois-ci, les spectateurs ont eux-mêmes pris en charge les rôles et ils n’ont pas toujours fait bonne figure. « C’est la province », ironisait un provincial hanséatique. Une dame plus subtile diagnostiquait : « Agonie de l’attente ». Pertinent pour tous ceux qui, au théâtre, n’attendent toujours que du théâtre.

Bel se livre, quoique sur une scène vide et même dans l’obscurité la plus totale, à une réflexion sur le théâtre et ses moyens. A une époque où tout est surface, artifice et façade, il cherche le moment invisible d’authenticité ou de vérité. La nouvelle troupe du Schauspielhaus se présente sans la cuirasse du costume et du maquillage, comme elle est, les yeux dans les yeux de son public. Sans leur savoir-faire, les acteurs sont plus nus que nus. Bel leur a donné ce courage — et la conscience de retourner pour une fois la balle : s’accorder la liberté de regarder précisément ceux par qui ils sont regardés d’ordinaire. C’est un DJ qui détermine l’espace et le temps. En tant qu’alter ego du metteur en scène, il met tranquillement un disque après l’autre. Comme le bon Dieu, il sépare l’obscurité d’avec la lumière. Crée un monde (de représentation) dont on peut suivre ou non les règles de conduite, qui sont fixées par les paroles de tubes bien trop connus. Sur « Let’s dance » de David Bowie, on danse, sur « Killing me soflty with this song », on chante et on meurt doucement.

A travers le redoublement par l’illustration, Bel ironise sur la réduction de notre imaginaire par le cliché et l’influence médiatique. Tout art commence par le non-savoir. En rêvant de danse et de théâtre. Bel et la troupe du Schauspielhaus le confessent publiquement. Pour cela, on leur doit la sympathie, ou tout au moins le respect […]

hamburger abendblatt 02.10.2000